histoire
Un peu d'histoire
C’est en 1936 qu’apparait la notion de salariés intermittents. À l’époque, la main d’œuvre qualifiée devient rare dans le secteur du cinéma : l’instabilité dû à l’enchainement des emplois courts pour divers employeurs a de quoi décourager et beaucoup cherchent à changer de secteurs d’activité. Le front Populaire, soutenu par les producteurs de cinéma crée donc le « régime salarié intermittent à employeurs multiples » pour inciter les technicien et artisans à continuer à travailler pour le cinéma. Le concept : si vous travaillez assez dans l’année, vous pourrez toucher des indemnités les jours où vous ne travaillez pas. Suite au succès de cette expérimentation, la méthode est réutilisée dans les secteurs aux schémas similaires : la musique, le théâtre, etc. Ce que nous appelons plus communément désormais « Le Spectacle ».
Les intermittents du spectacle sont donc des salariés des entreprises de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant. Et de nouveaux textes accompagnent le régime spécifique de ces salariés au sein du régime d’assurance chômage français, qui date lui de 1958. Ainsi, en 1965, l’annexe 8 est créé pour les ouvriers et techniciens du cinéma et étendu aux salariés de l’industrie du disque et de l’audiovisuel.
En 1968, l’annexe 10 ouvre des droits aux salariés du spectacle vivants puis aux artistes interprètes en 1969.
Ce système définit donc des règles d’embauches pour ces travailleurs. Ils sont ainsi employés par des entreprises, suivants des contrats pouvant être aussi court qu’une journée ou une prestation. Ces contrats sont des « contrats à durée déterminée dit d’usage », soit des CDDU. Ce U dit qu’il est d’usage dans ce secteur de recourir à des CDD autant de fois que souhaité sans les contraintes liés au CDD classique.
Pour qu’un CDD soit licite, il doit répondre aux conditions suivantes :
1. L’emploi ne doit pas être durable et être lié à une activité normale et permanente de l’entreprise. En raison de la spécificité de ces CDD pouvant être successifs, la limite de temps s’appréciera au cas par cas.
2. Le contrat doit concerner une tâche précise et temporaire
3. Les emplois pour lesquels il est possible de contracter des CDDU sont déterminés par convention ou accord collectif de travail.
4. L’emploi temporaire doit spécifier la nature de l’activité exercée : l’employeur doit rapporter la preuve qu’en raison de la nature de l’activité il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée (CDI) dans ce type d’emplois.
5. La durée du contrat doit être déterminable et non aléatoire, dans le cas contraire la requalification en CDI s’imposera.
L’intermittents du spectacle est donc d’abord un salarié enchainant les contrats chez différents employeurs. L’Unedic (L’association chargée par délégation de service public de la gestion de l’assurance chômage en France – tous les chiffres que je vous indiqueraient dans cette présentation sont issus de leurs publications) estime en 2019, que 280 000 salariés travaillent « dans l’emploi intermittent du spectacle », cette même année, seuls 100 000 environ sont indemnisés par l’assurance chômage.
Les techniciens sont rémunérés à l’heure et les artistes au Cachet.
Pour ouvrir ses droits à cette indemnisation, il faut justifier d’au moins 507 heures de travail sur les 12 derniers mois ou 43 cachets, la date du dernier contrat retenu devant « la date anniversaire » à laquelle ces droits seront réévaluer. C’est-à-dire qu’il faudra à nouveau justifier d’au moins 507 heures de travail sur les 12 derniers mois.
Le nombre d’heures effectués et le salaire de référence correspondant serviront au calcul de l’ « allocation journalière » de l’allocataire. Les montants planchers étant de 38 euros pour l’annexe 8 (ouvriers/techniciens) et de 44 euros pour l’annexe 10 (artistes)
A titre de comparaison, « l’allocation journalière brute moyenne d’un droit ouvert au titre des annexes 8 et 10 est de 56 euros contre 38 pour les allocataires du régime général en 2020. Cet écart s’explique » toujours d’après l’Unédic « en partie par la spécificité du secteur du spectacle où les salariés sont plus diplômés, résident en Île-de-France, et ont des salaires plus élevés que dans d’autres secteurs d’emplois.
Ce régime particulier comprend donc contrats spécifiques et indemnisation chômage spécifique. Au cours d’une année normale (c’est-à-dire hors Covid), l’Unedic nous dit que 95% des allocataires cumulent salaires et indemnisation et que cette indemnisation représente en moyenne 42% des revenus total perçu. Ce régime particulier est en partie alimenté par une surcontribution des intermittents du spectacle à la fois patronale et salariale.
Malgré cela, depuis 1992 ce régime n’a cessé d’être remis en cause par les gouvernements.
Les différentes réformes de l’assurance chômage ont diminué le montant des indemnités ou la période de référence. Cela a donné lieu à de fortes mobilisation.
En 2003 la CGT spectacle conteste le contenu de l’accord signé par d’autres syndicats et la mobilisation conduit à des grèves très suivi qui ont conduit à l’annulation de nombreux festivals d’été comme Avignon ou les Francofolies.
En 2014 le patronat (MEDEF) sème la provocation en revendiquant la suppression des annexes 8 et 10 entrainant de nouvelles mobilisations. Des festivals annulés et d’autres perturbés.
En 2016, suite à une nouvelle réforme de l’assurance chômage qui remettait en cause les annexes, les menaces d’annulation de festival ont permis aux organisations représentatives du secteur d’obtenir une négociation particulière concernant les annexes 8 et 10 aboutissants à un accord plus équilibré pour le secteur de la culture.
En 2020/2021, le COVID a empêché beaucoup d’intermittents de travailler. Suite à la mobilisation des organisations syndicales notamment la CGT spectacle, Fin juillet 2020, le Gouvernement décide de maintenir l’indemnisation des intermittents du spectacle jusqu’au 31 août 2021. Ce que l’on appelle l’année blanche.
Depuis si l’activité a repris dans l’audiovisuel. C’est plus difficile dans le spectacle vivant, d’autant que beaucoup de salariés se retrouvant sans revenu sont partis vers d’autres horizons.
En 2018 le gouvernement a décidé de supprimer les cotisations d’assurance chômage des salariés. C’est donc lui qui mène les négociations. Celle-ci n’ont pas abouti et il a été obligé d’éditer un décret qui a encore restreint les droits des chômeurs. Celui-ci prend fin en décembre 2023.
Le régime des intermittents reste encore menacé et de nombreuses voix patronales s’élèvent pour la suppression des annexes.
Un nouveau phénomène se profile avec le statut des auto-entrepreneurs : de plus en plus d’employeurs incitent leur salarié à adopter ce régime. Ce ne sont plus des salariés mais des prestataires avec moins de droits sociaux. Bien que cette pratique ne soit pas réellement autorisée elle a tendance a augmenté de manière inquiétante.
Les employeurs ont bien compris l’avantage de ce type de contrat très précaire. Certain en ont abusé en embauchant régulièrement les mêmes personnes plusieurs années de suite. En nombre de jours certains travaillaient plus que des permanents. Les syndicats s’en sont aperçu et ont accompagnés des salariés dans des procédures judiciaires de requalifications depuis 10 ans ce sont des centaines de salariés dont le contrat de travail a été requalifié en CDI. Mais il reste encore du travail. La faible adhésion syndicale (présente aussi dans d’autres catégories professionnelles en France) et le peu d’intermittent comme représentant du personnel favorisent les directions dans la non-application du droit. Ainsi nombreuses sont les heures supplémentaires impayées ou les emplois sous déclarés. Les intermittents par la précarité de leur statut n’osent pas toujours se tourner vers les syndicats afin de défendre leur droit. La CGT travaille activement à leur coté pour enrayer ces phénomènes.
Pour finir, seulement 82% des allocataires sont réadmis le lendemain de leur date anniversaire. Ce qui signifie que 18000 intermittents environ n’arrive pas à renouveler leurs droits ou les renouvellent difficilement grâce à la clause de rattrapage. Ainsi, sur les 280000 personnes dans « l’emploi intermittents du spectacle » moins d’un tiers bénéficient aisément de ce système.